– Mais pourquoi tu sursautes comme ça à chaque fois que tu vois une notification de sa part sur ton tél ?…

– Je ne sais pas trop. J’y peux rien. C’est physique. Je crois que je redoute toujours ce qu’il va me dire. Rien que de penser à lui ça fait accélérer mon coeur de stress.

– Ah bon ?…

– Ben oui, quand on est ensemble ou même quand je pense à lui, j’ai la sensation que j’ai fait quelque chose de mal. Du coup, je suis tout le temps sur le qui-vive, en train de vérifier que je fais ce qu’il faut. Je surveille mes faits et gestes même quand il n’est pas là. Je sais que c’est bête parce qu’il n’est pas partout et qu’il ne me fait pas surveiller mais je ne sais pas, c’est comme si je ne pouvais jamais lâcher la pression.

– C’est quand même dingue, ça !

– Oui, je sais… Mais bon, parfois, quand on est ensemble, j’arrive à bien me débrouiller et ça ne se passe pas trop mal. Mais la plupart des fois je finis par me prendre une petite remarque quand je m’y attends le moins. Un truc « de rien du tout » qui me démolit…

– Quel genre de truc ?

– Ça peut-être sur tout et n’importe quoi. Ce que je porte ce jour là et qui me va mal selon lui, ce que j’ai fait à manger alors que je devrais savoir pertinemment qu’il ne peut pas le digérer, ce que j’ai oublié d’acheter au supermarché alors qu’il fait tellement d’efforts, lui, quand c’est son tour de faire les courses.
Parfois il critique mon humeur du moment même si je suis contente. Il peut être agacé par ce que j’ai dit ou parce que je n’ai pas salué quelque chose qu’il a dit à un moment précis.

Parfois il est juste en colère contre moi mais il ne sait pas me dire pourquoi. Si je l’interroge, il se vexe et me blâme de ne pas savoir alors que c’est pourtant si évident.

– Tu fais quoi quand il te dit ces trucs-là ?

– Souvent je reste bloquée. Comme figée. Je ne sais pas quoi répondre. En vrai je me sens perdue et je ne comprends pas bien ce qui se passe. C’est comme si je me prenais un choc. Je ne sens plus mon corps et j’ai un léger acouphène qui se déclenche. Parfois c’est le gros lot et je finis la soirée avec une migraine.

– Tout ça pour une petite remarque ?…

– Oui, je sais, c’est nul. Mais parfois je trouve qu’il exagère vraiment et que c’est injuste. Dans ces moments-là, quand j’ai le courage, je me défends. Parce qu’il peut dire des choses vraiment moches ou fausses, mais quand je lui dis ça se retourne toujours contre moi. Comme si je ne pouvais pas gagner face à lui.

– Et lui, il te dit quoi quand tu le confrontes ?

– Quand je le confronte c’est la cata !! Il devient complètement fou !! Il me dit que je suis dégueulasse et que je le déçois. Dans ces moments j’ai super peur. Je me fais toute petite et je m’excuse. Ca a le don de le calmer un peu.

Mais si je lui dis que je suis triste, blessée ou vexée de ses remarques, il me dit que je suis trop sensible, que je prends tout trop à coeur et que je suis relou. Des fois, il se fâche encore plus fort parce qu’il me dit qu’on ne peut rien me dire alors que sa vie est déjà bien compliquée avec tout ce qu’il vit et tout ce qu’il doit faire au quotidien.

– Tu fais quoi quand il te dit ça ?

– Rien. Souvent je m’effondre intérieurement et je m’en veux d’avoir été si puérile. Je le comprends. En plus il a eu une enfance si difficile…Du coup, je finis souvent en me sentant vidée et déconcertée.

– Ouais, bon. En vrai, ce que tu me racontes c’est pas vraiment grave. Il a l’air d’être d’être juste un peu sous pression. Ca arrive à tout le monde. Et… te vexe pas, mais c’est vrai que tu peux être chiante. Tu prends tout personnellement. Tu devrais voir ça avec un psy pour qu’il t’aide à te détendre et à lâcher prise !

Et voilà J. qui vient me voir en consultation et qui me parle de son hypersensibilité. Elle exprime combien ça la handicape dans sa vie. Combien elle craint que son couple en pâtisse. Combien elle se sent honteuse d’être si réactive pour « si peu de choses ».

Et J. pourra passer sous silence pendant de nombreuses séances tous ces épisodes avec son compagnon. Parce qu’elle s’est entendue dire par tout le monde que la relou de l’histoire, c’est elle, avec sa sensibilité trop exacerbée. Et elle a fini par le croire. Elle le croyait parfois depuis bien avant cette relation, qu’elle était fautive par essence et par nature.

L’environnement cautionne malheureusement bien trop souvent les agissements de personnes aux comportements manipulateurs et toxiques. Soit en les banalisant, ou, pis encore, en les célébrant et en blâmant les personnes qui en souffrent.

En tant que thérapeutes, le risque que nous avons est d’entendre uniquement le morceau de l’histoire où la personne prend ses responsabilités quant à son hypersensibilité et d’omettre qu’elle puisse vivre actuellement une situation de violence psychologique, parce que normalisée et passée sous silence par la personne qui nous consulte.

Heureusement, tout n’est pas perdu…

A la demande de J., elle et moi nous allons travailler sur les origines de cette hyper-réactivité qui parle de son système nerveux aux aguets, à l’affut d’un danger, en quête de survie. Et nous allons en prendre soin, de son système nerveux, pour re-créer de la sécurité, de la confiance, de l’espace et lui apprendre à se réguler.

Et nous allons en parallèle travailler avec son monde intérieur, qui est fragmenté et qui a dû se charger de nombreux mécanismes de protection pour faire face à son environnement, dès son plus jeune âge.
Nous allons l’écouter et elle va apprendre à en prendre soin et à réintégrer les différents morceaux d’elle qui ont dû être laissés de coté pour avancer.

Et elle va se libérer progressivement des charges traumatiques qu’elle porte, y compris dans son corps, recréant de l’espace en elle. Retrouvant des émotions enterrées et mise au ban depuis longtemps.

Et un jour arrive où J. recouvre des forces et de la consistance. Où elle développe de nombreuses ressources intérieures et a la capacité de s’observer avec compassion. Où elle est en mesure de prendre ses responsabilités et de regarder courageusement son histoire passée. De prendre la mesure des abus qu’elle a subis petite et qu’elle prenait pour de la normalité et pour une enfance normale.
Et elle voit son histoire présente avec son compagnon d’un nouvel oeil. Elle est prête à voir avec ses yeux qui ont « grandi » que ce qu’elle vit avec lui ce n’est pas normal.

Elle peut voir que les « petites remarques » qu’il lui fait et tout le système de déni et de remontrances et de jeux émotionnels ne sont pas OK.

Elle peut enfin ressentir la colère qui dit NON ! Qui dit STOP !

Et elle peut décider en conscience ce qu’elle en fait, de cette relation.

Faire tout ce chemin demande beaucoup de courage mais le parcourir nous permet de découvrir enfin qui nous sommes véritablement, libérés de ces poids et de ces œillères qui conditionnaient jadis notre vie.

Je crois fondamentalement que chaque épreuve peut devenir un pont qui nous relie à notre véritable nature. Et que nous pouvons apprendre à les emprunter, ces ponts.

Ce n’est pas évident. Ca nécessite de soutien et d’accompagnement mais le jeu en vaut totalement la chandelle.

Si vous sentez l’appel à vous faire accompagner, je vous invite à me contacter pour en parler.