Bonjour,

Dans ma lettre d’hier, « Le jour où Maître Yoda n’est pas venu me voir » (que vous pouvez (re)découvrir en cliquant ci-dessus) je vous disais que mon aspiration permanente à accomplir quelque chose d’autre et de plus important de ce que j’étais en train de faire, portait la signature du traumatisme. Car, en effet, ce n’était pas une aspiration inscrite dans le mouvement de la Vie qui me portait dans la joie et le mouvement ajusté. C’étaient des remontrances alliées à un sentiment d’échec et de frustration sans cesse renouvelés.

Cela m’est apparu au fil du temps en « faisant le job » de plongée dans mes profondeurs, jusqu’au jour où tout cela a pris sens.

Voici la suite et fin de mon récit…

Le jour où tout a basculé, c’était le jour l’anniversaire de ma tante Pili.

Ma tante Pili – qui en réalité n’est pas ma tante mais au Mexique, d’où je viens, on appelle « tia » et « tio » (tante et oncle), aux amis très proches de la famille – est une femme extraordinaire.

Cela faisait une éternité qu’on ne s’était pas eues au téléphone.
Je vous passe les détails des réjouissances de s’entendre de nouveau et le bonheur de retrouver cet amour intacte, comme si le temps n’était pas passé par là.

Elle m’a dit…

– Tu sais « hija » (ma fille), j’ai 77 ans. J’ai l’impression que j’ai vécu deux vies entières. Maintenant, je vois la Vie avec beaucoup de tendresse. Je suis bien parce que je n’ai plus à me demander ce que j’ai à faire. Ce que j’ai fait, je l’ai fait. Ce que je n’ai pas fait, je ne l’ai pas fait. Si tu savais combien c’est reposant !

Et là, à ces mots, j’ai senti comme un poids immense que je portais sur moi, se déposer par terre.

J’ai soufflé, je me souviens.
J’étais aux anges.
Libérée délivrée comme dirait Elsa dans La Reine des Neiges.

Précisément, le matin même, j’étais assise sur un fauteuil. J’étais toute seule à la maison et j’étais juste assise là. Sans rien faire.

Soudain, une question s’est insinuée en moi :

Tiens, si j’avais 80 ans, comment je me sentirais, là, tout de suite maintenant ?

Sans réfléchir, du simple fait de m’imaginer à cet âge-là, j’ai senti une paix immense m’inonder.

Si j’avais 80 ans, tout serait comme c’est.
Je n’aurais plus à me préoccuper d’arriver à trouver cette foutue mission.
Je serais.
C’est tout.

Puis cette confirmation de la part de ma tante Pilar qui venait enfoncer le clou ou plutôt décharger le fardeau.

Ahhhhhh !! Soulagement sublime… quand tu (ne nous) tiens (plus).

Et le monde à sauver, alors ?

Eh bien, lorsque j’ai pensé à cette question, je me suis souvenue qu’il y a eu des êtres absolument incroyables qui se sont adonnés à la tâche.

Jésus, Bouddha, Lao Tseu, ça vous dit quelque chose ?

Ils étaient sacrément outillés, branchés en direct-live au Divin en eux et au Divin partout. Ils ont fait des merveilles et à la fois, le monde continue à suivre sa route, avec ses turpitudes, ses souffrances, ses douleurs. Avec ses espoirs, ses renaissances, ses cycles et ses processus aussi.

Si eux n’ont pas sauvé le monde, alors moi, j’étais pas prête d’y arriver.

Considérer cela m’a bien calmée dans mes élans d’accomplir absolument quelque chose de transcendant.

Ça m’a ramenée sur terre.
Sur ma terre.
Sur mon pré-carré à moi.
Avec ce qui était déjà là.
En moi.
Et autour de moi.

Je pouvais y demeurer de plus en plus longtemps, dans ce présent, parce que, comme je vous le disais précédemment, je continuais (et continue encore) à plonger, à m’occuper des mille-et-un moi qui ont besoin de mon attention et de mes bons soins.

Et là, petit à petit, ce que j’étais, ce que je suis, m’est apparu à sa place.

Je suis déjà à ma place.

JE NE SUIS PAS ATTENDUE AILLEURS

Puisque je crois de manière fervente que la Vie est intelligente et que la Vie est ce qui m’anime, il n’y a rien d’autre à chercher.

Tout est déjà là.

Je fais ce que je fais.
Je suis qui je suis.

Je suis déjà arrivée…

Est-ce que ça veut dire qu’il n’y a plus rien à faire ? Qu’on doit se conformer de tout ce qui est, y compris les injustices, les malheurs du monde, j’en passe et des meilleures ?

Évidemment que non.

Mais l’action qui émane de l’endroit tranquille qui se sent à sa juste place n’a rien à voir avec celle qui puise sa source dans une insatisfaction et un mépris profond de soi et/ou des autres.

Le mouvement de la Vie peut traverser, nous traverser et éclore, lorsqu’on est dans sa terre, dans ce qui est, aux prises avec le réel.
Il me semble que nous sommes appelés à vivre cela.

« Y’a du maille ».
Mais le jeu en vaut la chandelle.

Et à la fois…
vous êtes au bon endroit
vous êtes qui vous êtes
Vous êtes arrivé

Bienvenue…

Et merci d’exister dans votre singularité.

Avec toute ma sincère affection et au plaisir de lire vos retours et témoignages si vous en sentez l’élan,

Carol